L'instrument
du complot sera l'ancien député Pesquet, qui avait été
l'un des informateurs de François Mitterrand. Lorsque ce dernier
était, sous Mendès, ministre de l'intérieur, il le
renseignait sur le mouvement poujadiste. Du côté des gaullistes,
il s'agissait d'éliminer les survivants les plus dangereux de la
IV République. Or François Mitterrand fut piégé
par son propre credo puisque, ayant donné sa parole à Pesquet
de ne rien dire, il ne dit rien, et cette affaire tourna à son désavantage.
On sait aujourd'hui que Pesquet fut bombardé directeur de l'UAP
pour la région Basse-Normandie,
en remerciement des services rendus, et qu'il fut manipulé par des
réseaux gaullistes qui connaissaient parfaitement le fonctionnement
de François Mitterrand. Il parvint à s'en sortir, apportant
ainsi la preuve de l'extraordinaire ressort qui était le sien, que
tout était possible dès lors que l'on s'obstinait, et pour
peu que l'on sache s'entourer d'amis fidèles. Le voilà donc
au sortir de la IV République entouré de gens dévoués,
convaincus qu'il a un destin national, sûr lui-même de devoir
être le plus jeune président du conseil de cette IV République,
mais c'est le radical André Gaillard qui sera choisi à sa
place. Il a déjà une solide réputation de politicien,
qu'il a nourrie, notamment, au long de l'affaire algérienne, dans
laquelle il a eu une attitude extraordinairement ambiguë, et ne démissionnera
pas, notamment du gouvernement Guy Mollet qui avait délégué
tous les pouvoirs à Robert Lacoste, lequel les avait délégués
à l'armée, mais protestant sans arrêt, jugeant cette
délégation et cet abandon scandaleux, l'avalisant cependant
pour préserver ses chances de devenir un jour président du
conseil. C'est lui qui impose à Mendès des réformes
sur l'Algérie, mais on lui reprochera la mort du communiste Yveton.
C'est qu'en fait il tient deux discours. Celui de la réforme, en
privé, au sein de la sphère gouvernementale ; celui de la
guerre, en public. « La seule négociation, c'est la guerre
», dira-t-il en 1954. Rien n'est donc jamais net chez lui, contrairement
à de Gaulle ou à Mendès. |