Cette
quête opiniâtre, obstinée, d'un destin personnel est
probablement le seul vrai fil conducteur de sa vie, au point qu'il est
parvenu à cette performance alchimique que peu atteignent et dont
tout le monde rêve : faire de sa vie un roman. Ses nourritures
intellectuelles le conduisent à vivre dans une sorte d'exaltation
du moi qui le rattache, en effet, à cette jeune droite profondément
pétainiste parce que légitimiste, qui n'a pas nécessairement
mal tourné mais qui a vécu dans le goût de l'aventure
individuelle, du destin personnel, qu'il concrétisera, pour ce qui
le concerne, aussi bien dans le goût des aventures féminines
que dans celui de la conquête, de l'exercice, puis enfin de l'occupation
du pouvoir.
Convaincu
qu'il doit être le premier, toujours, animé d'un formidable
appétit de vivre et de conquérir, capable dès les
années du « 104 » - cette institution, aujourd'hui disparue,
élisait chaque année un président des étudiants
: il ne manqua pas ce premier rendez-vous électoral - d'entraîner,
d'attirer les autres à lui, ce jeune homme-là va connaître
son premier moment-clé avec la captivité.
Blessé le 14 juin 1940 près de Verdun, François
Mitterrand est fait prisonnier. La légende mitterrandienne veut
qu'il ait, à cette occasion, découvert la pauvreté,
le partage. Certes ! Il contera dans La Paille et le Grain, avec une certaine
complaisance, le désormais fameux épisode du rutabaga qui
popularisera cette image d'un jeune homme découvrant les vertus
du socialisme, c'est-à-dire la nécessité d'organiser
la société pour éviter que celle-ci ne devienne la
jungle, à travers la condition de prisonnier. Condition qui lui
pèse : trois tentatives d'évasion, dont la dernière,
le 10 décembre 1941, en Lorraine, pieds nus, à la course
pendant sept kilomètres jusqu'au bar-tabac de Boulay, où
il trouva refuge dans un placard. Mais, en fait, il découvrait surtout
la trahison.
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