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FRANÇOIS MITTERRAND 1916-1996  "HOMMAGE"

 
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Au-delà de la part de séduction qui entre dans cette révélation programmée au vice- président américain, il y a la trace d'une influence profonde et durable, aux origines de son anticommunisme raisonné et de son atlantisme viscéral, qui marquera l'action du président français. Ces données composent un jeune homme conformiste, qui passe totalement à côté du Front populaire, ne se pose aucune véritable question à l'égard du marxisme, fait tranquillement son droit, parce qu'après tout il n'est pas sûr de ne pas pouvoir assouvir son ambition, qui est décidément de devenir un grand écrivain. Bien sûr, il ne manquera pas d'expliquer, plus tard, que, « avide d'une époque qui l'avait accueilli dans la bourrasque de 1934 », il allait écouter Thorez et Doriot, Blum et La Rocque, le secrétaire général du Parti communiste et celui qui venait d'en être exclu avant de dériver vers le fascisme, le chef de file de la vieille maison socialiste, qui allait devenir en 1936 le chef du gouvernement du Front populaire, et le patron des Croix-de-Feu, mouvement de droite anticommuniste, antisocialiste, violent défenseur de l'ordre et de l'autorité de l'Etat. Quel éclectisme dans la curiosité politique ! En fait, il s'intéresse bien davantage à Paul Valéry, Drieu La Rochelle Giraudoux, Bernanos, André Gide, qu'il dévore et qu'il va, en effet, écouter. Un soupçon tenace le situe à cette époque à l'extrême droite. Les uns le voient à l'Action française, d'autres chez les Croix-de-Feu, quand ce n'est pas à la Cagoule. « Que peut répondre l'accusé qui a la charge de prouver son innocence ? Rien. Nier serait s'abaisser. Et pourquoi répondre ? S'il était vrai que j'eusse été d'extrême droite dans ma jeunesse, je jugerais plus honorable d'être où je suis aujourd'hui que d'avoir accompli le chemin inverse, où l'on se bouscule, semble-t-il », écrivit-il dans Ma part de vérité, paru en 1969.

Il est vrai qu'il y a constamment eu contresens sur la nature de l'idéologie qui imprégnait ceux qu'influençait le Sillon de Marc Sangnier, et qui est beaucoup plus à rechercher dans la doctrine sociale de l'Eglise que dans tout autre catalogue de pensée. Contresens aussi sur l'homme, car s'il est, comme l'a dit Georges Pompidou, un aventurier, il est surtout un aventurier raisonnable. Or il n'était pas raisonnable d'être cagoulard. Et s'il est vrai qu'il étudie dans une période de grand bouillonnement intellectuel et politique, il participe peu aux événements et s'intéresse bien davantage à sa destinée personnelle.


 
 
 
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