Au-delà
de la part de séduction qui entre dans cette révélation
programmée au vice- président américain, il y a la
trace d'une influence profonde et durable, aux origines de son anticommunisme
raisonné et de son atlantisme viscéral, qui marquera l'action
du président français. Ces données composent un jeune
homme conformiste, qui passe totalement à côté du Front
populaire, ne se pose aucune véritable question à l'égard
du marxisme, fait tranquillement son droit, parce qu'après tout
il n'est pas sûr de ne pas pouvoir assouvir son ambition, qui est
décidément de devenir un grand écrivain. Bien sûr,
il ne manquera pas d'expliquer, plus tard, que, « avide d'une époque
qui l'avait accueilli dans la bourrasque de 1934 », il allait écouter
Thorez et Doriot, Blum et La Rocque, le secrétaire général
du Parti communiste et celui qui venait d'en être exclu avant de
dériver vers le fascisme,
le chef de file de la vieille maison socialiste, qui allait devenir en
1936 le chef du gouvernement du Front populaire, et le patron des Croix-de-Feu,
mouvement de droite anticommuniste, antisocialiste, violent défenseur
de l'ordre et de l'autorité de l'Etat. Quel éclectisme dans
la curiosité politique ! En fait, il s'intéresse bien davantage
à Paul Valéry, Drieu La Rochelle Giraudoux, Bernanos, André
Gide, qu'il dévore et qu'il va, en effet, écouter. Un soupçon
tenace le situe à cette époque à l'extrême droite.
Les uns le voient à l'Action française, d'autres chez les
Croix-de-Feu, quand ce n'est pas à la Cagoule. « Que peut
répondre l'accusé qui a la charge de prouver son innocence
? Rien. Nier serait s'abaisser. Et pourquoi répondre ? S'il était
vrai que j'eusse été d'extrême droite dans ma jeunesse,
je jugerais plus honorable d'être où je suis aujourd'hui que
d'avoir accompli le chemin inverse, où l'on se bouscule, semble-t-il
», écrivit-il dans Ma part de vérité, paru en
1969.
Il est vrai qu'il y a constamment eu contresens sur la nature de l'idéologie
qui imprégnait ceux qu'influençait le Sillon de Marc Sangnier,
et qui est beaucoup plus à rechercher dans la doctrine sociale de
l'Eglise que dans tout autre catalogue de pensée. Contresens aussi
sur l'homme, car s'il est, comme l'a dit Georges Pompidou, un aventurier,
il est surtout un aventurier raisonnable. Or il n'était pas raisonnable
d'être cagoulard. Et s'il est vrai qu'il étudie dans une période
de grand bouillonnement intellectuel et politique, il participe peu aux
événements et s'intéresse bien davantage à
sa destinée personnelle. |