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FRANÇOIS MITTERRAND 1916-1996  "HOMMAGE"

 
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Un jour de 1988, on lui demanda de commenter les affiches de sa campagne présidentielle de 1965 qui le représentaient, en gros plan devant des pylônes électriques (ceux-là mêmes qu'EDF enterre aujourd'hui pour le plus grand bien du paysage), avec la légende suivante : « François Mitterrand, un président jeune pour une France moderne » ! « Eh bien, je referais volontiers les mêmes affiches, dit-il en substance, mais avec la mention suivante : François Mitterrand, un président rassis pour une France quis'est modernisée » !

Comme l'explique brillamment le philosophe André Comte-Sponville, la société française redécouvre à son tour des valeurs conservatrices, précisément celles qui sont apparues dans l'ordre politique au cours des dix dernières années. L'exemple le plus frappant est bien sûr celui de l'écologie. Qu'est-ce que l'écologisme sinon un mouvement de préservation, donc de conservation, de la nature ? A l'origine, l'écologie plaide d'ailleurs pour le statu quo, quand elle ne théorise pas la 
« croissance zéro ». Mais le débat, tout aussi grave, qui a surgi à propos des manipulations génétiques et des sciences de la production du vivant nous conduit, avec le professeur Jacques Testart, à l'idée qu'il faudra bien, à un moment ou à un autre mettre des barrières pour préserver, conserver l'espèce humaine elle-même. En histoire, l'apparition du mouvement dit « révisionniste », appuyé par un fort courant d'extrême droite, conduit en retour à un combat pour la mémoire. D'une façon plus générale, d'ailleurs, la mémoire prend le pas sur l'utopie dans le discours de la gauche, comme si celle-ci s'appuyait à son tour sur la valeur du passé et de l'histoire, thèmes autrefois de droite. La culture contemporaine, enfin, est dominée par la découverte du patrimoine, qui est un peu l'homologue historiciste de l'écologie.

A la différence des idéaux de la génération de mai 1968, il ne s'agit plus de « faire du passé table rase », ou de « changer la vie », comme le proclamait le programme socialiste des années 80, mais bien de conserver, de préserver. Transformer, conserver : pour François Mitterrand l'impératif varie selon les moments, selon la conjoncture, selon la situation politique. Pour lui, un homme politique doit afficher quelques grands principes, pour signifier à l'opinion où il se trouve (« Voyez qui m'attaque pour savoir si je suis de droite ou de gauche », disait déjà Edgar Faure), le reste relève de l'art de la navigation ; et quand on vous oppose les chemins de traverse, invoquez ces grands principes d'autant plus commodes qu'ils sont vastes et généraux, pour attester que le cap est bien tenu ! Ainsi François Mitterrand veut-il sans cesse convaincre qu'il est bien une grande figure de la gauche, qu'il n'a cessé d'incarner le même combat (« Voyez qui m'attaque »...) et qu'il est toujours habité du même idéal. Si la ficelle paraît désormais un peu grosse, c'est qu'il est fondamentalement l'homme d'une époque où l'idéologie était maîtresse du monde ; et lui-même était passé maître dans l'art de l'orchestration du combat idéologique. Paradoxe d'ailleurs, lorsque l'on sait qu'il n'affectionne que les romans et a peu de goût pour les traités de philosophie politique ; mais il fait preuve d'un véritable talent dans ce domaine.


 
 
 
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