De
la même façon, en 1981, il avait laissé se multiplier
les promesses les plus imprudentes sans inquiétude ni angoisse particulières,
car la priorité était pour lui d'ancrer sa légitimité
à gauche. Sans celle-ci, d'ailleurs, il n'aurait certainement pas
pu l'emporter et faire en sorte que les années 80 soient marquées
de son empreinte personnelle. Légitimé à gauche en
1981, consacré en 1988 bien au-delà des frontières
de celle-ci : l'histoire retiendra que ce combat pour son image lui a permis
de s'imposer dans des contextes contradictoires, d'abord celui des années
socialistes de la première législature, ensuite celui de
la résistance présidentielle dans la cohabitation avec la
droite, enfin celui de son hégémonie tranquille face à
une opposition éclatée, à partir de sa réélection.
Avant de subir à nouveau le feu de la critique et le poids du rejet
à l'approche de la fin de son second mandat.
Ces titres de gloire ont encouragé chez lui un penchant naturel à
se croire infaillible, entretenu par une cour qui s'agite tant et si bien
autour de lui que le monarque, apparemment toujours courtois, attentif,
aimable, poli, n'en était pas moins devenu, au fil du temps, inacessible.
En outre, les années et les épreuves avaient renforcé
chez lui une vision particulièrement sombre de l'humanité.
Il n'avait aucune compassion, mais cherchait plutôt dans les faits
et gestes de ses amis comme de ses adversaires les motivations les plus
brutales, sinon les plus basses, et guettait constamment la faille, les
faiblesses. Bien sûr, ne retenir de
quatorze années de présidence que sa capacité
à rebondir, après la crise-colère de 1984 ou après
la cohabitation de 1986 par exemple, ne s'intéresser qu'à
son habileté tactique ou à sa capacité manoeuvrière
est un exercice limité : aucune de ses qualités n'auraient
pu s'exercer si François Mitterrand n'avait eu un dessein stratégique,
une compréhension de la V République et de l'histoire de
la gauche qui lui ont permis de supplanter des rivaux incapables d'une
telle vision d'ensemble, rivaux qui avaient pour nom, avant 1981, Guy Mollet,
Pierre Mendès France, Gaston Defferre ou Michel Rocard, et après
Jacques Chirac. |