Il
y rencontra et fréquenta donc essentiellement des étudiants
de droite, de cette droite nationale nourrie de Charles Maurras, en même
temps que l'ami et les amis de sa vie, à commencer par Georges Dayan.
Car François Mitterrand n'est pas né fils du peuple, mais
- le 26 octobre 1916 à Jarnac, en Charente - dans une famille bourgeoise
aisée, cinquième enfant d'une famille de huit. Son père,
agent de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Orléans
(il a conservé sur la cheminée de son bureau présidentiel
la photocopie du premier bulletin de salaire de son père lorsque
celui-ci était cheminot) avant de prendre, trois ans après
la naissance de François, une retraite anticipée pour se
consacrer aux affaires familiales puis présider la Fédération
des fabricants de vinaigre de France. Sa mère, Yvonne Lorrain, femme
austère, catholique et fort pieuse, était fille d'un notable
de la région de Cognac. Entre la maison de Jarnac et celle des grands-
parents maternels, la maison de Touvent, François, religieusement
élevé, connut une enfance heureuse, paisible et protégée,
entre Papa Joseph (le père) et Papa Jules (le grand-père
Lorrain): « Je trouvais que le monde était beau, harmonieux.
J'ai eu une enfance heureuse. Je pensais que les amitiés étaient
éternelles, que les amours étaient durables, que les gens
étaient
faits pour s'aimer. »
Famille
catholique pratiquante, morale de vie, méfiance envers l'argent,
dont on ne parle pas parce qu'on n'en manque pas, attirance pour le Sillon,
le mouvement catholique de gauche, dont l'oncle Robert Lorrain, ami de
François Mauriac, fut un des fondateurs, goût pour la littérature
et les débats intellectuels, gaieté enfin, sont les principaux
éléments d'une enfance faite de certitudes et d'affection.
Le fait d'ailleurs que les frères et soeurs soient restés
unis tout au long de la vie, si proches malgré des options apparemment
différentes (son frère Jacques, général d'aviation,
militait à droite), témoigne de la force de cette cellule
familiale. « Ma mère disait que toutes les guerres sont de
religion », expliquera-t-il à un George Bush interloqué,
lorsqu'il reçut celui qui n'était encore que le vice-président
des Etats-Unis, dépêché de Washington pour interpeller
ce président socialiste qui osait intégrer des communistes
au gouvernement de la France. « Ma mère, qui aimait la liberté,
n'aimait pas la révolution et m'a élevé dans le culte
des fondateurs des Etats-Unis d'Amérique. »
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