1986
: première cohabitation : Jacques Chirac privatise, jusqu'à
ce que François Mitterrand, triomphalement réélu,
impose le statu quo aux uns et aux autres en édictant la fameuse
consigne du « ni-ni », ni nationalisation ni privatisation.
C'est alors que le dernier premier ministre socialiste de François
Mitterrand, Pierre Bérégovoy, devait proposer à quelques
semaines de la fin de son mandat de garantir certains « acquis sociaux
» comme la retraite par des recettes tirées d'un vaste programme
de privatisation.
D'un septennat à l'autre donc, François Mitterrand était
passé des nationalisations, instruments de mobilisation de la gauche,
à leur contraire, les privatisations, symboles- sanctions de législatures
socialistes, signes du changement que François Mitterrand dû
accompagner et subir plutôt qu'il ne le maîtrisa.
Ce « ni-ni » devait donc marquer le passage
du socialisme baroque de 1981 au capitalisme tempéré de 1988,
d'une conquête du pouvoir au nom d'une volonté de transformation
sociale à une occupation du pouvoir justifiée par le seul
souci de s'y maintenir. Non que tout projet politique ait été
absent de se second septennat : l'Europe lui tint lieu de grand dessein.
Car François Mitterrand restera probablement dans l'histoire comme
l'homme de l'ancrage européen de la France, parachevé par
la ratification, par référendum, du traité instituant
l'Union européenne, et comme celui qui accompagna un mouvement,
qu'il ne s'attendait certainement pas à connaître de son vivant,
l'unification de l'Allemagne en même temps que l'effondrement de
l'empire soviétique. Si l'on devait retenir deux dates de son
double septennat, 1983 et 1989 viennent à l'esprit.
1983, c'est l'appel lancé par François Mitterrand devant
le Bundestag, aucoeur même de la bataille des euromissiles, et qui
oppose le déploiement des fusées soviétiques SS-20
à l'hypothèse d'une riposte en Europe. Ce jour-là
François Mitterrand, à son meilleur, désigna clairement
l'agresseur potentiel, celui qui a installé les SS-20, par sa célèbre
formule « les fusées sont à l'Est, les pacifistes sont
à l'Ouest ». Cette prise de position fut le point d'orgue
d'une diplomatie alors entièrement tournée vers la fermeté
à l'égard de l'URSS bréjnevienne, qui vit le président
français vouloir « réveiller l'esprit de résistance
assoupi » des Européens, car, à ses yeux, l'Europe
occidentale ne pourrait pas vivre en liberté surveillée sous
l'oeil froid des SS-20. François Mitterrand, à ce moment-là,
montra donc le chemin. Ce sera un des moments-clés de cette épreuve
de force, qui tournera à l'avantage des Occidentaux, sans que l'opinion
ait d'ailleurs parfaitement mesuré la gravité de la situation
pendant la crise. |