1989,
ce fut pour François Mitterrand l'apogée de son règne.
Le triomphe du 14 juillet de cette année-là fut le sien,
dans ce mélange de fête III République et de modernité,
où se mêlaient le classique défilé militaire,
les foules bariolées ordonnées sous la houlette de Jean-Paul
Goude et le rassemblement d'un certain nombre de chefs d'Etat de ce que
l'on aurait appelé à une époque le tiers monde. Tout
devait concourir à faire de cette journée-là un moment
mémorable. François Mitterrand venait d'être réélu
un an auparavant. L'opposition de droite était au plus bas, la deuxième
gauche, son adversaire de toujours, était ralliée et contrôlée
par l'intermédiaire de Michel Rocard devenu Premier ministre. Le
président pouvait donc
se croire infaillible. Pourtant, ce fut aussi l'année où
l'histoire bouscula tout, le président et son projet. François
Mitterrand pensait pouvoir faire évoluer la situation européenne
vers une sorte de directoire à trois, regroupant l'Allemagne, la
Russie et la France. Dans son esprit, la Russie de Gorbatchev devait glisser
vers une forme modeste de social-démocratie et l'Allemagne était
susceptible de passer sous le contrôle d'un parti social-démocrate
inexpérimenté mais utile. François Mitterand put alors
se croire au seuil d'une victoire historique au moment où Felipe
Gonzalez, socialiste, règne à Madrid, où Bettino Craxi
est l'homme fort à Rome, où Oskar Lafontaine, le leader allemand
socialiste, s'apprêtait, pensait-on, à conquérir le
pouvoir, où Margaret Thatcher donnait des signes évidents
d'usure, et où Mikhaïl Gorbatchev paraissait tenir l'Union
soviétique.
Comme jamais auparavant, François Mitterrand crut donc son heure
venue, et avec elle, celle d'une gauche triomphante, s'apprêtant
à bâtir une Europe social-démocrate. D'un seul coup,
on le sait, les peuples de l'Est bouleversèrent la donne pour créer
un paysage politique méconnaissable. Dès lors, il ne restait
plus, en effet, qu'à « prendre l'Histoire comme elle vient
».
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Merci à Jean Marie Colombani pour son excellent livre écrit
en
collaboration avec Hugues Portolli: "Le double septennat de François
Mitterrand " ainsi qu'à Geneviève Moll pour son fort
beau livre,
magnifiquement documenté: "Mitterrand, le roman de sa vie".
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